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Récit

Le Nord, sa mine et ses gens de valeurs

jeudi 1er avril 2010, par Frederic Praud

Je suis née dans un coron à Abscon, dans le Nord. C’était tout petit. On avait une grande pièce en bas, une petite cuisine rajoutée, la chambre de mes parents, deux chambres en haut et puis le grenier. Pendant la guerre 14, les allemands ont occupé les chambres en haut. C’étaient des maisons de mineurs que le patron donnait aux ouvriers. J’ai entendu beaucoup parler de grèves mais j’étais trop jeune. Il y en a eu beaucoup surtout avant la guerre de 14. Les ouvriers réclamaient, ils étaient vraiment malheureux. On n’est pas restés dans le coron, parce que j’avais déjà deux sœurs et un frère, et que papa préférait partir travailler avec un neveu et il a monté une petite forge dans la buanderie.

Mon mari était de 1910, il a fait l’évacuation à Saint-Quentin. Ils ont tout enlevé à Saint-Quentin. Ils sont partis avec une malle et il est allé à Maubeuge à sept ans. La basilique de Saint-Quentin était drôlement démolie. Les allemands avaient mis des bombes dans les colonnes pour la faire sauter. Les anglais sont arrivés à temps. Et puis il y a eu le traité des nations. On était à l’école, on avait l’impression qu’il n’y aurait plus jamais de guerre. En 1927 on disait : « il n’y aura plus de guerre »…

En 1917, il n’y avait pas encore l’électricité à la maison, dans le nord. Nous ne l’avons eu qu’en 1930. On s’éclairait avec la lampe pigeon et on n’avait pas d’eau courante. Ils ont eu de l’eau très tard. On allait la chercher dans un petit tonneau à la pompe de la fontaine. Nous habitions dans un coin de mine. Je voyais sept puits de mine de chez moi. Et quand il y avait de la neige dessus, j’étais contente. Je disais : « c’est le Mont-Blanc » Je voyais des femmes sur les terrils. On les appelait des "caffuses". Elles faisaient des sacs avec le charbon qui tombait sur le terril pour le revendre après dans le pays. Celui qu’on jetait de la mine. C’était chaud des fois.

Mon père était forgeron. Il descendait quelquefois au fond de la mine pour ferrer les chevaux. Il avait de la peine pour eux, parce quand ils remontaient, ils étaient aveugles. Mon père ne descendait pas beaucoup au fond, il était au jour. Il travaillait dans l’atelier du haut et descendait de temps en temps. Il avait une petite forge chez lui, il travaillait également à la maison en plus de ses journées, parce qu’il ne gagnait pas beaucoup. Maman tenait un café près de la mine pour les mineurs, papa travaillait. Le propriétaire du café c’était le brasseur. Nous étions logés. On payait peut-être un petit quelque chose, je ne sais pas. On vendait la bière du brasseur dans la maison... Les mineurs venaient comme ça, après le travail et ils chantaient la mine. C’était gai d’un côté.

Mes parents étaient très courageux. Ils se levaient à 4 heures du matin, maman se couchait à 11 heures du soir. Les mineurs arrivaient le matin, après il y avait le ménage à faire. L’après-midi, il y avait trois pauses. A chaque remontée les mineurs passaient. Nous avions un grand jardin à côté de la maison. Nous n’étions pas malheureux parce qu’il y avait des petits légumes, un petit cochon. On avait mouton, un lapin, des poules. Les salaires n’étaient pas élevés, alors comme ça ils s’en sortaient.

Avec mes sœurs, je portais le café aux "porions" le dimanche, quand ils travaillaient. Le porion, c’est celui qui dirige… C’est comme un contremaître. Il s’occupe des mineurs. Il y a l’ingénieur, le maître porion, les porions et ensuite les "boutefeux". J’ai un cousin qui a été tué par une charge qui a explosée à retardement. Il l’a reçu en plein poumon. Il avait 24 ans. Il voulait être porion. Les garçons descendaient jeunes à 13 ans, voire 12 ans pour certains. Quand ils remontaient de la mine leurs yeux étaient comme s’ils s’étaient maquillés. En principe les mineurs avaient des beaux yeux …

J’ai été bercée avec ça. On faisait des tartes le jour de la Ducasse et on les portait cuire au boulanger. On les mettait sur une brouette et puis on les amenait. On mettait une petite marque dedans. On mettait un grand papier dessus et on les mettait sous les lits. Beaucoup de gens mangeaient la tarte. Ma mère, ma tante faisaient 20, 30 tartes…Le boulanger nous faisait des petites contremarques. On les récupérait et on les donnait. C’était la fête.

Les mineurs payaient leurs pintes de bière. Ils avaient très soif quand ils remontaient. Ils buvaient une grande chope de bière, et ensuite on leur donnait un café sans le leur faire payer. Quelquefois ils buvaient une petite goutte d’eau de vie, mais pas tous. Ils ne pouvaient pas le faire. Il fallait pomper la bière comme ça, à la main. Et en été il fallait descendre la chercher à la cave, alors comme ça tombait au moment des vacances, on en profitait. Quand j’étais un peu plus grande, je descendais pour aller la chercher à la cave pour qu’elle soit plus fraîche.

Je jouais à la platine ou à la marelle. On faisait des raies et puis on jouait avec ça. On avait des petites poupées. Papa m’avait fait un petit berceau. J’avais une vraie cuisinière quand même, parce que j’avais un cousin qui vendait des cuisinières Godin. C’était ma sœur qui l’avait eu alors je jouais avec. Il manquait même un pied. On n’avait pas tellement de jouets. J’avais un jeu de patience, un jeu de loto.

J’allais au bal toute petite, parce que mes parents accompagnaient mes sœurs. Elles dansaient le quadrille. C’est très beau, il faut aller l’un vers l’autre. On ne dansait pas dans le bar de mon père. On chantait beaucoup, des chorales venaient parfois. C’était gai. Il y avait un kiosque à musique à la mine, et je connaissais tous les airs de l’époque. On savait toutes les chansons, on les apprenait. On avait un phono. C’était toute une affaire, ça grésillait. Mon père ne supportait pas ça. Il y avait des chansons ch’ti, dont Mon Petit Quinquin, entre autres. Certaines étaient en patois. Je sais pas s’il y avait beaucoup de mineurs allemands, c’étaient des polonais surtout. Mais les polonais étaient pour les allemands en ce temps-là, c’est pour ça qu’on les appelait les allemands. Ils étaient assez bêcheurs. Ils arrivaient chez nous et disaient que les corons n’étaient pas beaux. Alors pourquoi sont-ils venus ? Parce qu’ils avaient besoin de travailler. Il y avait également des italiens, des algériens qui venaient travailler en France, en 1920. Je connaissais tous ces gens-là.

Le curé tenait une place importante dans le village. Il était dans la chaire. C’était un gros curé, alors quand il nous apostrophait de là-haut, ça me faisait peur. C’était plus imposant. J’avais un oncle qui était bedeau, il servait pour la cérémonie à l’église. Il se promenait avec une canne dans la main comme les évêques. Il mettait un beau costume pour la messe. Certaines fois il venait derrière nous : « taisez vous ! », parce qu’on bavardait entre nous. On mettait les enfants toujours en arrière. Il y avait des beaux fauteuils pour les gens un peu plus aisés. Ceux qui tenaient la sucrerie avaient des chaises rembourrées. On ne pouvait pas s’asseoir dessus. Toute la famille avait des chaises marquées à son nom. J’avais des oncles, des tantes, très pieux. Leur nom était marqué sur la chaise, alors s’asseyait sur ces chaises-là .

Quand j’ai fait ma communion, j’avais une robe blanche. Mon père était mort trois mois avant. Et le lendemain de la cérémonie, on mettait une robe de couleur. On ne remettait pas la robe blanche. Ma sœur avait une robe noire, moi j’ai mis une robe noire aussi. C’était pas gai. Mais j’étais contente, c’était la même robe que ma sœur, le même tissu. Il fallait habiller les deux sœurs pareilles, et j’avais voulu une robe comme elle. Je n’ai pas eu de grands-parents à ma communion, ils étaient tous morts.. J’étais la 24ème et dernière. J’ai toujours regretté de ne pas avoir de grands-parents. Je me suis mariée pour avoir des petits-enfants, pour être grand-mère. Je pensais plutôt à être grand-mère avant d’être maman.

J’ai eu l’eau et l’électricité à 13 ans, pas avant. On avait même pas le gaz. On mettait du pétrole dans les lampes et au lustre du plafond aussi. Quand est arrivé l’électricité à la maison, je n’étais plus là. J’habitais chez ma sœur dans la Somme, car j’avais perdu mon père. Il ne restait plus chez mes parents que maman et mon frère. Ma sœur avait déjà l’électricité. On se demandait si c’était vrai, parce qu’on voyait tous les petits défauts. Il ne fallait plus prendre la lampe pigeon pour monter l’escalier dans le noir. Moi j’avais un escalier à monter, je couchais dans la chambre au-dessus. Le garde champêtre passait le soir allumer les réverbères. On voyait ça en sortant de l’école, il allumait les réverbères dans la rue avec un grand bâton. On ne faisait pas tellement de fêtes. Après la guerre, c’était déjà beau d’avoir de la lumière.

Je n’étais pas malheureuse, maman me donnait deux sous tous les jours quand je partais à l’école. J’étais privilégiée, parce qu’on avait un petit café. Alors j’achetais des bonbons que je partageais avec mes amies. On n’était pas nombreuses, six. Quand j’ai fait ma communion nous étions trois. C’était pas grand comme village. J’avais une petite amie dont le père était dessinateur à l’usine Caille à Denain, où on faisait toutes les locomotives. Ils étaient beaucoup plus riches que nous. Ils gagnaient plus. On allait à l’école ensemble.

Quand j’étais à l’école, on nous disait : « fais attention aux voitures ». Alors quand je voyais une voiture au bout de la route, la grande route de Valenciennes-Douai, je ne traversais pas. J’attendais. Mais il y avait très peu de voitures, c’était cher à cette époque-là. Je suis allée à l’école en 1924-1929. Je suis bien montée dans une voiture mais tirée par des chevaux. J’avais une cousine qui avait une petite ferme, elle m’emmenait dans un petit cabriolet. J’étais contente. On faisait sept/huit kilomètre heure. C’était gai.

J’avais 13 ans lors de mes premières vacances. Je n’avais jamais vu la mer. C’était merveilleux. J’avais un maillot de bain qu’on m’avait tricoté à ce moment-là. Et alors quand je suis sortie de l’eau, mon maillot de bain m’arrivait en bas des pieds. J’étais très coquette, j’ai dit : « moi je ne retourne pas à la mer, il me faut un maillot de bain normal ». Alors on m’a acheté un maillot de bain avec des rayures. Il n’était pas très beau, mais enfin j’avais 13 ans. J’étais avec la belle-mère de ma sœur qui allait en vacances et puis j’avais ma petite nièce avec moi. Je suis allée au Tréport, je m’occupais de la petite en même temps. J’adorais ma nièce…

Je n’ai fait d’études, qu’un an après mon certificat d’étude. J’ai eu le complémentaire. Il fallait déjà prendre le train, aller à l’école de Saumin, à 4 km. J’aurais voulu être institutrice. Après j’ai arrêté. J’ai préféré aller vivre chez ma sœur parce qu’il y avait plus de confort que chez nous, c’était plus gai que dans le nord. J’étais mieux chez ma sœur dans la Somme. J’étais attirée par le pays où elle vivait. Je trouvais ça beaucoup plus joli que dans le nord où on n ‘avait pas d’eau, pas d’électricité ni rien, alors je suis restée là-bas. Et je me suis mariée à 17 ans et demi.

Mariage

Quand on s’est mariés, on ne savait pas grand-chose. On ne nous parlait pas beaucoup de sexualité, au contraire, les gens se taisaient plutôt. Les jeunes apprenaient peut-être avec des plus âgés qui leur disaient. Avant mon mariage, je n’étais presque jamais seule avec mon fiancé, d’ailleurs on s’est mariés très vite à cause de ça. La famille était là, il y avait toujours quelque chose pour nous regrouper. Pour me retrouver seule avec mon fiancé, j’allais au cimetière des anglais. Il n’avait que là que j’étais seule avec lui. On se respectait. On s’est mariés très jeunes. Il faisait deux heures de train pour me voir. Il venait de Saint-Quentin. Il lui fallait deux heures pour repartir. Je l’avais rencontré à Saint-Quentin par des amis.

Je n’avais plus de papa et c’était dur parce que maman ne voulait pas que je me marie, J’étais trop jeune. Je n’arrivais pas à persuader maman. Alors j’ai dit à mon maman « Je vais rentrer au couvent si tu ne veux pas que je me marie ». Elle a dû céder… et puis on le connaissait bien. Les parents de mon futur mari étaient des amis de ma sœur. C’est par relation qu’on se mariait, je n’ai pas été malheureuse pour ça.

Pour me marier j’avais besoin de mon certificat de confession. Je me suis confessée au curé de Roisel et je me mariais le lendemain à Saint-Quentin, il me fallait ce certificat de confession. Le curé posait des questions très indiscrètes sur nos relations sexuelles. À cette époque les parents étaient mariés quand les enfants naissaient.

Nous allions au théâtre à Saint-Quentin. Il y avait un beau théâtre. Nous allions au cinéma ou au théâtre, tous les dimanches. Le lundi soir, j’avais des places à demi tarif et nous retournions au cinéma avec mon mari. On ne le disait pas aux parents parce qu’ils auraient rouspété. On dépensait trop d’argent. La première fois que je suis allée au cinéma, j’avais 13 ans, c’était du muet encore. C’est dans le nord ça, à Abscon. Le premier film parlant que j’ai vu, c’était les "Bateliers de la Volga". Ils chantaient. Ils tiraient le chaland. Les gens étaient beaux .

En Province, on gagnait moins qu’à Paris. En 1935, je gagnais 450 francs par mois en travaillant dans un magasin comme le Printemps. Je me suis mariée à Saint-Quentin, dans l’Aisne. Mon mari était de Saint-Quentin et j’ai travaillé là-bas. J’étais avec ma belle-sœur quand on a vu le directeur. Il m’a embauchée pour commencer à faire tous les débits. Je prenais l’ascenseur pour descendre avec la cliente, mais je n’avais pas le droit de le prendre pour remonter. Alors j’avais les deux étages à remonter à chaque fois. On faisait les débits à la caisse, au rez-de-chaussée. On prenait les paquets que les vendeuses avaient vendus et on descendait pour les déclarer à la caisse. Je descendais avec le paquet, je faisais le paquet, je le donnais à la cliente et je remontais à pied. Le lendemain, je pouvais plus marcher. En ce temps-là c’était 8, 9 heures par jour. Puis on travaillait le samedi, toute la journée, et quelques fois le dimanche matin quand il y avait la foire du pays. On n’était pas payés plus, je ne crois pas.

Après j’ai tenu un petit rayon de parfumerie. Ça m’a plu. J’ai travaillé jusqu’à la naissance de mon fils à Saint-Quentin. Après il y a eu la guerre et j’ai encore travaillé trois ans là. Ensuite Je suis venue à Montmorency parce que mon mari devait partir en Allemagne. On habitait chez mes beaux-parents pendant la guerre, mon beau-père portait le même prénom que mon mari. Quand les allemands sont venus, ils n’ont pas trouvé mon mari. Après je n’ai plus travaillé pendant vingt ans. J’ai retravaillé quand mon fils est parti en Algérie, et là j’ai travaillé pendant dix-huit ans. Ça m’a fait vingt-deux ans de travail.

En 1936 j’étais jeune mariée. Je travaillais aux Fabriques Françaises. C’était un petit Printemps qui dépendait du Printemps de Paris. Mon mari est parti plusieurs fois pour l’armée. Les hommes ont été rappelés, en 36, 37 et 38. Mon mari est parti trois fois faire une période militaire. On les rappelait, on avait peur de la guerre déjà, en 37 surtout. Je ne me rappelle pas des grèves. Je sais qu’il y avait des croix de feu à ce moment-là, ça se bagarrait un peu sur la place de l’hôtel de ville et tout ça, en 36-37. Il y avait La Roque et tout ça. Pour mes premiers congés payés, nous sommes allés à Trouville avec mon mari, huit jours. J’étais contente d’aller à la mer. On était contents parce qu’on ne partait pas souvent, quand même. Moi j’avais envie de voir tout ça.

Le conflit 39/45

Pétain est venu peu de temps avant la guerre dans notre ville. J’aimais bien Pétain. C’était le héros de la guerre de 14. Les français l’aimaient bien, c’était un grand homme, c’était un grand soldat. Et alors il est passé sur la place de Saint-Quentin. Il allait manger au palais d’été, il sortait de l’hôtel de ville. Je suis allé le voir, c’était avant la guerre ça. Mais alors après on a été déçus par tout ce qu’il a fait… Et Laval surtout, Laval c’était vraiment un traître. Je croyais que Pétain jouait le double jeu, on avait l’impression qu’il faisait ça pour nous sauver.

J’espère qu’il y aura plus de guerre maintenant. On s’est toujours battu depuis la guerre de 14. En 38 j’étais en vacances, je suis revenue parce que mon mari avait reçu un ordre pour partir, pour faire huit ou quinze jours. On avait eu peur que la guerre commence. Et puis en 39 mon mari est parti et il est revenu. C’était la vraie débandade. On ne comprenait rien. Il est de nouveau reparti parce qu’il avait l’ordre de rejoindre son régiment plus loin. Il était dans le cinquième train. Il a fait 270 km à pied. Ils avaient renvoyé peu de temps avant une affectation spéciale qui indiquait qu’il était comptable. On n’a rien compris.

Pour l’exode, je suis partie de Saint-Quentin avec mon fils, 20 km à pied, j’allais retrouver ma sœur pour partir avec elle. Il n’y avait plus de trains à Saint-Quentin. On a pris un train qui nous a emmenés à Orléans dans des petits wagons, ces vieux wagons qu’on avait autrefois, des petits compartiments, Il y avait une porte d’un côté, une porte de l’autre. On n’est jamais descendus du train. On faisait faire pipi au petit par la portière. On avait peur.

De Limoges, nous sommes revenus à Saint-Quentin. Arrivé près de chez nous, on a vu qu’on habitait en zone interdite. On a traversé un champ de blé coupé, sur au moins un kilomètre ou deux. On arrive sur la route et il y avait des allemands. On en avait peur. On n’avait pas le droit d’y aller. C’était en zone interdite, mais on voulait rentrer chez nous. Si on était resté et que les allemands auraient gagné, le pays serait resté allemand là. Depuis Dunkerque jusque Bâle toute cette zone était interdite. C’est le début de la guerre. On a eu peur.

À la libération, j’étais à Montmorency. J’ai vu un char allemand dans la rue alors qu’un char du général Leclerc arrivait par Enghien. Il a tiré sur le char allemand. Le char a sauté en l’air. Après les allemands ont fait feu sur la division Leclerc, la grande armée. J’ai vu les allemands remonter la rue à reculons. Ils retournaient à Montmorency et ils surveillaient Enghien. Après que le char ait sauté, les petits soldats du général Leclerc sont arrivés. Ils avaient soif, on les a embrassés. On n’avait pas grand-chose à leur donner. On avait un champ de poires à côté. On est allé les ramasser et on leur en a données. Il faisait chaud ! C’était au mois d’août Je crois qu’on avait de la bière, on leur a donné à boire. Après on a appris que certains de ces petits-là avaient été descendus plus loin à Soisy. C’était triste.

Mon fils avait six mois à ce moment-là et je voulais voir le char qui avait sauté. Je ne pouvais pas laisser le bébé, alors je suis remontée chez moi. L’après-midi, un ordre est passé. Il fallait que tous les hommes s’en aillent. Ils devaient dormir, il était 2 heures de l’après-midi, il faisait très chaud. On les voyait tous qui remontaient leurs pantalons. Ils sont partis jusque tard et à pied … L’ordre est passé par les FFI. Nous n’avions pas bien compris. J’avais un voisin qui était FFI. Quand ils sont rentrés le lendemain beaucoup de villas avaient été brûlées dans le Bas Montmorency.

Pendant la guerre, j’ai eu de la chance d’avoir de la famille, l’un avait du beurre, l’autre des œufs. Et puis ma belle-mère se débrouillait, elle allait même chercher du charbon au Chaland. On n’avait pas beaucoup de charbon non plus. On a eu la pénicilline après la guerre, ça a été merveilleux pour les enfants. Elle a sauvé beaucoup de gens.

Alors que je voulais nourrir mon fils né pendant la guerre en 1943, j’ai fait une gastro-entérite parce que je faisais à manger avec des pois secs, carrément des petits pois secs séchés. Ce n’étaient pas des pois cassés, ils avaient la peau. J’avais du gras de bœuf dans la famille, c’était bon ce que je faisais, je faisais des carottes, on trouvait ça bon. Moi ça m’a fait mal au ventre, j’étais malade. Il fallait bien saler les légumes pour les conserver. C’étaient des herbes qu’ils disaient en ce temps-là, on appelait ça des herbes. Il y avait tous les légumes pour faire le potage, on en mettait une poignée dans l’eau. On faisait du sirop de navet. C’est très bon pour les bébés ça. On ne trouvait pas le sirop qu’il fallait, alors on mettait du sucre sur des navets et on leur faisait boire ça. Mon fils n’était pas d’accord, il pleurait. On avait du malte pour sucrer, un liquide roux qu’on vendait. Je devais avoir ça en douce aussi. Pendant la guerre, je n’ai pas travaillé, j’ai eu mon deuxième fils.

En 42-43, il a fait très froid ces hivers-là. Ah, les années de guerre ont été terribles. J’ai pleuré avec mon fils quand il était petit. Il n’avait que trois mois, j’essayais de faire du feu, j’avais une grosse cuisinière de chauffage central, et ça ne chauffait pas. Je mettais du bois dedans. J’ai pleuré ! Je mettais mes deux pieds dans la cuisinière, mon fils serré contre moi. J’ai écrit ça à maman, qui était restée dans le pays minier. Elle avait du charbon. Elle m’a envoyé un gros morceau de charbon, un sac de "gaillettes". C’est un très gros morceau de charbon noir, et elle l’a mis dans une caisse pour me l’envoyer tellement j’avais froid.

Sorties

Je suis sortie surtout parce qu’il y avait les enfants. On y allait plutôt pour les enfants. On allait au théâtre, à l’ABC.Mon mari adorait les chansonniers, moi aussi. Ils étaient plein d’humour. Il allait voir Mistinguett boulevard des Capucines.

Il était fou de Mistinguett, j’aurais pu être jalouse. Il travaillait à Paris et la voyait le midi quand elle se promenait sur les grands boulevards. Elle allait toujours jouer pour la dernière fois, il fallait absolument qu’il y aille. Elle est morte après la guerre Mistinguett, j’ai vu son enterrement ici. Elle avait des bouquets, des plumes et tout ça. Elle est revenue à Enghien pour être enterrée au vieux cimetière où elle a un caveau à l’entrée.

J’ai aussi vu jouer aussi Joséphine Baker, aux Folies Bergères. Elle était magnifique… Ce n’est pas si vieux, elle a fait la guerre de 40 Joséphine Baker, elle était avec le Général de Gaulle… Et puis alors avec les enfants… J’ai encore un programme, le programme de 37. Elle jouait Marie Stuart. Elle montait sur l’échafaud, elle montait tous ces escaliers-là. Elle était majestueuse. Elle chantait au music-hall. Une fois elle avait une petite fille noire dans les bras, c’était magnifique aussi. Elle jouait très bien.

Messages

  • Bonjour.
    Je n’ai pas votre âge, je suis né en 1930.
    Mais j’ai encore pas mal de souvenirs d’avant la drôle de guerre et de la guerre elle-même, de la Libération, le 2 Septembre 1944 à ARRAS.
    Votre récit m’a beaucoup intéressé, la vie de mes parents et grands-parents a aussi été très dure, mais les gens se trouvaient heureux quand ils avaient le strict nécessaire. Les temps ont bien changé, presque tous les gens se plaignent, alors qu’ils se paient beaucoup de superflu.
    On travaillait dur, mais on trouvait du travail si l’on était courageux.
    En cette époque, même ceux qui le voudraient pourtant ont parfois bien des difficultés à trouver un "job". Drôle d’époque.
    Je vous envoie une bise de mon Pas de Calais, que je n’ai jamais quitté, sauf pour mon service militaire.

  • je suis né aussi dans les corons au 4ème rue de la meuse peut être se connait on ? Marcel

    • bonjour MARCEL
      Moi aussi je suis né au CHAUFFOUR rue de la MEUSE numéro 13 en face de
      WIECZORECK nous nous connaissons,nous avons été à l’école ensemble au
      CHAUFFOUR
      Je suis actuellement à NICE,retraité de l’ administration pénitentiare
      je me souviens très bien de toi quand tu bricolais tes moteurs électriques
      J’espère que tu vas bien,je serai content d’avoir de tes nouvelles

  • je m’appelle chantal ma mère est née dans un coron à abscon en 1932 je vais contruire une présentation pour ses 80 ans nous avons perdu tous nos souvenirs de photos cela me ferai chaud au coeur de retrouver des photos des corons des mines casimir et st marc et aussi peut-être des bals des années 50 notament avec stéphane kubiak du dansing du celecte à denain et aussi de la vie dans toutes ces années là.......
    aussi je pense à l’exode qu"on vécu les gens de cette ville dans la guerre de 40 et aussi de l’occupation allemande enfin tout ce qui pourrait faire connaître à ces petits et arrières petits enfants un petit bout de vie de leur mamie qui font partis de leur culture de leur racine et patrimoine d’avance merci beaucoup à ter tous non je n’ai pas tout oublié j’avais 22 ans quand je suis partie pour rejoindre mes parents.......à bientôt je l’espère....
    nous avons quitté le nord quand les houillères nationales se sont fermées nous avons fait parti du plan de reconversion soit dit en passant une vrai catastrophe.........papa en est mort à 50 ans !!!!

  • bonjour
    je suis petite fille et arrière petite fille de mineur " famille szymanski" des corons d’abscon mon grand père "sylvestre" mineur à la fosse saint marc j’aurai aimé retrouvér quelque photos merci

  • Je suis né à Somain en 1949 j’ai vécu toute mon enfance dans le 2em coron de la république , çe soir je ne sais pas pourquoi j’ai voulu voir ce que l’on disait sur le net d ’ABSCON , et je dis bravo , car mon enfance m’a sauté à la figure d’une manière tout à fait inattendue mais bien agréable , je suis depuis plus de 40 ans installé dans la règion parisienne ,et c’est bien la première fois depuis tant d’années que je me suis senti absconnais, merci d’avoir pris le temps d’écrire tant belle choses sur la ville qui m’a permis de grandir.

  • Mme Mr mes excuses je suis a la recherche de photos de ma famille Nowak Franciszek 1926 née a abscon ,ses parents Nowak Stanilas Wictoria Matuszak j’ai regarder votre page et vous avez parlé de polonais travaillant a la mine mes excuses et merçi (je n’ai rien de ma famille

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