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Un commerce sous l’occupation

Madame AUCLERC née LEGRAND

mardi 20 novembre 2007, par Frederic Praud

Je suis née le 14 juin 1922 à Donnemarie où mes parents tenaient un grand magasin pour l’époque : « Les Galeries du Montois ». Nous étions installés sur Donnemarie au niveau du carrefour où se trouve aujourd’hui le Crédit Agricole.

AVANT-GUERRE

Donnemarie vs Dontilly

Il y avait une différence entre Donnemarie et Dontilly. Il ne fallait pas mélanger les genres. Dontilly était plus agricole et moins important. Enfant, je sentais la différence parce qu’il y avait trois écoles et ce n’était pas du tout la même chose. Les instituteurs étaient différents.

École

Je suis allée à l’école publique à Donnemarie. Il n’y avait pas d’école privée. L’école était très rigoureuse, il ne fallait pas broncher. J’étais une élève moyenne, je faisais ce qu’il fallait.

Mon père avait fait la guerre de 1914 comme gardien à Orléans.

Vision de l’Allemagne avant-guerre

On ne m’avait pas dit du bien de l’Allemagne. Mes parents n’aimaient pas les Allemands.

Les jeux d’enfant, distractions

On jouait aux billes, à la marelle, à saute-mouton, à la corde, etc.

Le cinéma à Donnemarie était installé à la place du Crédit Agricole actuel. Au rez-de-chaussée du bâtiment se trouvait un café, « Le Café de l’Agriculture » et au premier le cinéma. J’y allais assez souvent. Pour sortir au cinéma, il n’y avait pas de problème mais pour aller au bal…

Je ne me souviens pas trop des films que je voyais parce que je ne garde pas de trop bons souvenirs de ma jeunesse. Je me sentais enfermée comme beaucoup de jeunes filles, notamment parce que j’avais du travail.

J’avais quand même des amis et on allait se promener. Je rentrais vers six ou sept heures. Certaines de mes amies étaient en pension à Coulommiers. Elles ont eu plus d’instruction. Je me souviens d’un bal du premier janvier organisé à St Pierre, toutes mes amies y sont allées et pas moi. Il faudrait demander pourquoi à mes parents… Ils n’en savaient certainement rien ! L’éducation et les règles étaient très strictes.

Rêves d’enfant

J’aurais aimé aller travailler à Paris comme vendeuse puisque c’est ce que je savais faire. J’accompagnais parfois mon père quand il se rendait à Paris pour se ravitailler, le mercredi. J’étais sortie de Donnemarie mais « en service commandé ». Je ne pouvais pas prendre d’initiatives.

Mes parents étaient bien avec les instituteurs parce qu’ils fournissaient les écoles. Mais, je ne pense pas que l’instituteur soit venu parler de mon avenir avec eux.

Je suis allée visiter l’Exposition Coloniale avec mon père. Le Palais d’Angkor en constituait l’élément le plus frappant. Il y avait des hommes de couleur à cette exposition mais j’étais trop petite pour m’en souvenir. J’en ai vus pour la première fois à l’école EDF de Gurcy Le Châtel, en 1945.

Vie active

J’ai travaillé tout de suite après le Certificat d’Etudes, le lendemain. J’aidais mes parents à tenir le magasin. J’aurais aimé poursuivre mes études mais avec mon père il fallait travailler tout de suite… Dès 1934, je travaillais à temps plein dans le magasin. Avant, j’y passais mes jeudis et mes dimanches matins. Il n’y avait pas beaucoup de réjouissances. C’était une enfance assez dure.

Mes parents m’ont laissée me débrouiller au magasin ; il n’y avait pas de méthode particulière. Quand la marchandise arrivait, il fallait la déballer. Le matin, je devais déjà balayer le trottoir. Ce n’était pas désagréable mais ce n’était pas ce que je voulais faire.

Mes frères ont été élevés comme moi, on les a gardés au magasin. L’un d’eux à réussi et l’autre moyennement parce qu’on ne l’a pas instruit.

Rencontre avec mon mari

J’ai rencontré mon mari à Donnemarie. Il était surveillant général à Gurcy le Châtel, à l’école EDF. Il était client chez mes parents. Je l’ai connu en 1943 parce qu’il ravitaillait des résistants qui se trouvaient dans les bois autour de Gurcy et il eut des ennuis avec ça.

LE CONFLIT

Exode

Mon père a décidé que nous devions partir. Les banquettes de la camionnette qui nous permettait de partir étaient creuses. On les avait remplies de boîtes afin de pouvoir manger. Nous sommes partis en famille. Avec mon frère, nous sommes partis en vélo mais nous n’allions pas assez vite donc nous les avons abandonnés et nos parents nous ont pris dans la voiture.

Nous n’étions pas seuls sur les routes. Nous avons été mitraillés par les Italiens. Nous avons dû nous coucher dans les fossés. Nous sommes allés jusqu’à Laroche Migène. Là, nous nous sommes arrêtés dans une ferme où nous sommes restés quelques jours.

Sur la route, devant nous, il y avait une camionnette avec des gens habillés en vert foncé. J’ai demandé à mes parents qui étaient ce gens-là. Quelqu’un nous a dit : « Ce sont les Allemands et ils sont devant vous. Ce n’est pas la peine d’aller plus loin. »

Puis nous sommes repartis pour Donnemarie. Arrivés à Brie sur Seine, le pont était démoli et nous avons dû attendre qu’il y ait des barges pour passer. En arrivant chez mes parents, c’était un désespoir ! Tout était par terre. Il y avait des verres cassés, des bouteilles renversées. C’était indescriptible. Il a fallu se remettre au travail pour tout ranger. Nous avons remis en magasin ce qui était potable. Après, nous avons eu les Allemands comme clients. Nous n’avons pas sympathisé avec eux mais nous essayions de nous faire petits.

Nous avons la chance de rentrer entiers et tous ensemble.

L’occupation

Quand nous sommes rentrés, les Allemands étaient installés chez Bellaguer. Le bruit des bottes résonnait dans la rue. Nous n’étions pas fiers. Il fallait se méfier et ne pas trop parler. Ils sont restés un bon moment.

Ils venaient au magasin pour chercher des savonnettes. Ils payaient. Un beau jour, mon père comme tout le monde n’avait plus d’essence. Il leur a dit : « Je vous vends des savonnettes mais il faut que vous m’apportiez un bidon d’essence. » Ce qu’ils ont fait.

Je n’ai aucun souvenir précis sur l’occupation. Je n’ai pas l’impression que nous ayons soufferts de la faim, peut-être que oui. En dépit de la guerre, le magasin de mes parents restait ouvert. Il était assez grand et il marchait quand même bien.

On savait qu’il y avait des résistants dans les bois. Ce genre d’information s’échappe quand même mais elle n’arrive pas aux oreilles de tout le monde.

J’ai rencontré mon mari en 1943, ça ne m’aurait pas gênée de me marier pendant la guerre. Mais nous nous sommes mariés en 1944, après la libération et j’ai quitté mes parents.

1944

A cinq heures du soir, les Allemands ont ramassé tous les hommes de Donnemarie. Papa dessinait très bien ; il avait dessiné un drapeau américain. Il s’est dépêché de le brûler pour que les Allemands ne le voient pas. Les hommes ont été ramassés et regroupés à l’école des petits. Il y en avait peut-être une centaine.

Le lendemain, nous sommes allées leur porter à manger. Il fallait bien le vivre. Bien sûr, nous avions peur.

La libération

L’arrivée des Américains à Donnemarie, c’était la folie ! Il y avait beaucoup de monde partout et les gens s’embrassaient. Les Américains étaient montés sur des chars et jetaient du chocolat. C’était vraiment quelque chose d’important.

Je me suis mariée au mois d’août 1945. Mon père a commencé par acheter un agneau. Il avait un autre magasin où se trouve aujourd’hui le Spar. Nous avons fêté mon mariage dans ce magasin.

On avait vite fait de trouver naturel, la présence des Américains. Ils sont restés cantonnés ainsi que la 2ème DB.

Le droit de vote des femmes était vraiment quelque chose d’important.

MESSAGE AUX JEUNES

Je souhaite aux jeunes de pouvoir de travailler. Les temps changent tellement que je ne peux pas leur souhaiter une chose précise.

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