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DONNEMARIE - fille de résistant

Madame Yvette BEAULAND-GUILVERT

mardi 20 novembre 2007, par Frederic Praud

Témoignage de Madame Yvette BEAULAND-GUILVERT

Le village, un pays agricole

Je suis née en 1939. Mes parents habitaient Dontilly. Papa était maréchal-ferrant, Maman au foyer, elle s’occupait de ses enfants. Nous étions deux, mon frère est né en 1941. Dontilly c’est ma jeunesse. En tant que maréchal-ferrant, mon père travaillait essentiellement pour les cultivateurs.
Donnemarie et Dontilly étaient encore deux communes séparés. Mon père avait des clients sur les deux villages.
Sur Donnemarie on trouvait un seul cultivateur, je me souviens il s’appelait monsieur Guay, il habitait ou se situe maintenant les transports Méret, et encore ça se trouvait à la limite de Dontilly.
Donnemarie c’était plutôt la ville, les cultivateurs qui étaient clients résidaient surtout à Dontilly. On avait une activité commerciale avec tous les villages du canton.

Les origines familiales

Mon père a vu le jour en 1906, et ma mère en 1908. Papa à Vimpelles (5 km de Dontilly), et maman à Dontilly, mon grand-père maternel aussi. Mon père avait trente-trois ans au moment de l’appel, donc il n’a pas été réquisitionné en 1939. Mon grand- père est né en 1882, et ma grand-mère en 1884. Ils étaient trop âgés. Entre 1939 et 1940, je nais à Dontilly, chez moi, à la forge. La maison était située dans le virage, en descendant l’avenue du Ralloy, où se trouve le rond-point qui vient d’être ouvert à l’entrée du village, dans le bas de la côte.

Une période de trouble commence : la guerre s’installe

Je ne me rappelle pas d’évènements particuliers entre 1939-1940 que l’on m’ait racontés. Ce qui m’a le plus frappée, et que mon père racontait souvent, c’était le départ pour la résistance. Pour l’exode, ça s’est passé ainsi. Un ouvrier a pris une voiture, mon père en a pris une autre… Ce dont je me souviens c’est de mon grand-père qui travaillait chez un notaire, maître Bollet, le père de Dominique, et maître Bollet avait été fait prisonnier, et mon grand-père a dit : « Si on n’emmène pas les archives de mon patron, moi je n’aurais plus de travail, et lui non plus. » Alors maman a débarrassé les affaires pour emmener les archives de maître Bollet. Rien n’a été perdu, et tout le matériel de la forge était là.

Résister et agir face à l’oppression

Je ne sais pas quand mon père est entré dans la résistance. Je me souviens quand les Allemands ont demandé à mon père d’entrer à la forge. Papa leur disait qu’il n’y avait plus de charbon, et dans la journée ils en amenaient, et ils demandaient en s’exprimant comme ils pouvaient, combien il lui fallait d’ouvriers Allemands pour faire ce qu’il avait à exécuter : battre les roues, faire un très grand feu au milieu de la cour pour recercler le fer autour. Alors, il faisait venir trois, quatre Allemands qui s’attelaient à la tâche. Ils étaient sûrement du métier. Et, mon père travaillait en haut pour la résistance, au grenier, avec trois/quatre hommes. Moi et ma mère, n’avions pas le choix. Il y avait M. Raymond Béllagué, le garagiste, puis M. Hochar, le boulanger qui habitait entre la forge et le garage… et M. Quantin Paul, un ouvrier de mon père à l’époque. Quand ils travaillaient sur une pièce, ils ne devaient pas faire tomber quelque chose, car si les ouvriers allemands montaient, ils les auraient massacrés.

Seul, M. Béllagué a été déporté, dénoncé par M. Cognard, le traître. M. Béllagué avait embauché M. Cognard dans son garage. Quand il a été arrêté cela a été l’horreur. Maman revenait des courses, puis elle a vu un camion stationnant devant le café, au rond-point. Et, on a aperçu M. Béllagué qui montait dans le camion, poussé par les Allemands. Il a dit en partant : « Au revoir les gars. Et, vive la France ! » Et, un Allemand l’a poussé au fond du véhicule. Après cet incident, mon père est parti à Vimpelles, dans son village natal, à côté, à 5 kilomètres. Maman, et moi sommes restées à la maison.

Quand les hommes ont été enfermés à l’école, les Allemands ont dit qu’ils allaient perquisitionner dans toutes les maisons, et que s’ils trouvaient quoi que ce soit on finirait comme à Oradour-sur-Glane. On allait apporter les repas aux hommes, repas que l’on donnait à travers les barreaux. On n’entrait pas. Il y avait beaucoup d’armes à la maison, donc pour s’en débarrasser, ma mère a mis toutes les cartouches dans son tablier, et les a jetées dans le puits.

Ensuite, on a dû quitter la forge pour aller se réfugier chez une voisine. Comme il n’y avait pas beaucoup de place, nous étions alors obligés de demeurer dans la cave durant trois jours. A cause des munitions stockées à la forge, les Allemands ont dit qu’ils perquisitionneraient à nouveau les maisons, et que si par malheur ils trouvaient quelque chose les femmes subiraient le même sort que les hommes, et que nous serions tous brûlés comme à Oradour-sur-Glane. C’est ainsi que tout le monde déserta la forge, et, qu’on est allé coucher dans la cave de Mme Brouard. Il y avait un minuscule trou à la fenêtre, et ma mère regardait toujours à l’extérieur. Cette opération a bien dû durer trois jours.

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