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Sarcelles 2000 : Big Dzo né en 1983

Un jour j’ai ouvert un livre de géographie, au collège, j’ai vu notre ville… Sarcelles

Tous les dimanches, c’était la cavalerie aux Chardo ! A une époque, il ne fallait pas sortir le dimanche !

vendredi 2 juillet 2010, par Frederic Praud

La première année c’était très dur parce qu’il y avait principalement les gens du quartier, mais après des gens d’ailleurs. Ça faisait des conflits. Les gens des autres quartiers voulaient un peu nous « tester ». Ils croient que nous, les pavillonnaires, on a tout, on est riche ! Il faut qu’ils sachent que nos parents ont trimé pour ça ! Des gens ont encore leur crédit à payer au bout de vingt ans ! Ils n’ont pas eu cela en claquant des doigts ! Tout ça c’est des conneries ! On est tous à la même échelle !

Je suis né en 1983 à Aubervilliers. Nous sommes arrivés ici à Sarcelles juste après ma naissance. Nous y avions de la famille. Mes grands-parents maternels habitaient à Sarcelles, et du côté de mon père, à Stains. Ma mère est née en Algérie française, mon père est né en France, à Paris dans le 12e.

Des origines tunisiennes

Mes grands-parents paternels étaient tunisiens. Ils sont décédés l’année dernière. Ils allaient tous les ans en Tunisie. J’y suis allé une fois quand j’étais petit, vers six ans. C’était trop cher pour aller au bled, j’y suis parti trois fois dans ma vie. Il y avait une communauté juive importante. C’est pour cela qu’ils n’habitaient pas très loin de la synagogue. Mon père habitait au clos St Lazare, il a grandi là-bas. C’était un peu comme Enghien les Bains au départ, mais ça a changé. Ils sont venus quand les Chardo ont été construits. Mes parents faisaient les marchés : celui de Sarcelles, celui de Garges, donc j’allais les aider. Le marché, c’était une bonne époque ! Nous vivions en pavillons (immeubles de quatre étages). Quand nous étions petits, on bougeait, on allait chez les cousins, les grands-parents. J’ai des souvenirs de partout.

Enfant aux Chardo

Jusqu’à huit, neuf ans, on n’avait pas trop le droit de s’éloigner. Mais les Chardo est un quartier suffisamment grand pour s’amuser, avec des bois etc. C’est un quartier pavillonnaire. On ne traînait pas forcément tous ensemble, parce qu’il y avait trois écoles et nous ne nous y retrouvions pas tous dans le primaire. On vivait vraiment comme dans une bulle. Il a fallu le collège pour que l’on se connaisse. On se voyait mais on ne se connaissait pas. On habitait dans le même quartier, mais on était encore séparés. Il n’y avait pas d’école de riches et d’école de pauvres. Il n’y avait pas d’école communautaire, c’est ça qui faisait la richesse du truc. Arrivés au collège tous les Chardo se retrouvaient ensemble. Après, au lycée, c’était tout Sarcelles. On était tous au collège Victor Hugo.

Enfant, on jouait au foot, aux images, on jouait à tout. Les amis d’enfance remplacent un peu la famille. On a appris beaucoup de choses sur le terrain, ensemble, dans le sport ou la musique, en regardant aussi les grands. On était tout petit comparé à eux. Ils commençaient à faire des choses et on observait ça.

Sorties entre copains

On ne sortait pas dans la rue avec les parents. On sortait entre nous. On est toujours sorti entre nous. Chez nous, c’est comme dans un village, tout le monde connaît tout le monde. Mes parents n’étaient donc pas inquiets. Leur enfant était devant, là, dehors et les grands étaient là. On avait plus de liberté. On a eu de bons souvenirs. Il y avait une confiance entre les jeunes du quartier au début des années 90. Après, avec le temps, ça s’est dégradé. Les Chardo donnent encore envie à tout le reste de Sarcelles. On est bien là-bas. On n’a pas à se plaindre.

Réputation des Chardo

Des gens viennent habiter aux Chardo et déménagent après deux, trois mois. Ce n’est pas toujours paisible, paisible. A cinq heures du matin, des gens font leurs affaires là-dedans, ils boivent ! C’est invivable ! Il y a plusieurs points de rendez-vous, dans des endroits fermés, inaccessibles, où l’on peut voir des gens arriver de tous les côtés. Ils ne vont pas se mettre au milieu de la route et faire leur bordel.

Un jour j’ai ouvert un livre de géographie, au collège, j’ai vu notre ville… Sarcelles. Après j’ai pété un câble ! Dans cette ville-là, il y avait cent dix sept nationalités différentes, alors qu’en Russie dans une ville, il y en avait dix-sept. C’est vraiment une ville riche culturellement !

Le collège et les conflits

J’ai duré longtemps à l’école. J’ai fait un BTS. Je travaille maintenant. Je faisais des conneries devant l’école, mais dedans j’étais toujours concentré. Mais je ne faisais pas mes devoirs ! A l’école, pendant que les autres foutaient la merde, j’écoutais ce que le prof disait. Après, je retenais vite. Pendant le bac, mes textes, je les ai rappés, ensuite je les ai enregistrés. J’écoutais ça avant d’aller à l’école. J’ai appris mes vingt et un textes de Baudelaire comme ça. Je les rappais et je les enregistrais.

La première année c’était très dur parce qu’il y avait principalement les gens du quartier, mais après des gens d’ailleurs. Ça faisait des conflits. Les gens des autres quartiers voulaient un peu nous « tester ». Ils croient que nous, les pavillonnaires, on a tout, on est riche ! Il faut qu’ils sachent que nos parents ont trimé pour ça ! Des gens ont encore leur crédit à payer au bout de vingt ans ! Ils n’ont pas eu cela en claquant des doigts ! Tout ça c’est des conneries ! On est tous à la même échelle ! Si je veux me payer quelque chose, il faut que je me lève le matin pour aller travailler, que je me débrouille, que je fasse mes affaires. Je ne peux compter sur personne.

Dans un collège, un élève va faire quelque chose, le prof va arriver à bout de nerfs, il va pleurer ! Ça va se savoir dans les autres classes et ils vont tenter le dérapage. Etre prof en ZEP n’est pas facile. J’ai un bon exemple pour ça. J’étais en sixième, mon prof d’anglais, c’était une connasse ! On ne s’aimait pas ! J’étais nul en anglais. C’était tout pourri ! L’année d’après je suis arrivé dans une autre classe, j’ai eu un autre prof d’anglais, il était super cool ! A la fin de l’année je suis arrivé avec un douze de moyenne en anglais ! Il y a un problème, le système est un peu bizarre. Après, j’ai arrêté l’école en cinquième, je ne pourrais pas vous dire.

En arrivant au collège on a vu les rivalités entre quartiers. Ça allait plus loin que les coups ! Les armes ! Il y avait de drôles de bruits dans les sacs à dos ! Dans les embrouilles, on s’apercevait que dans les sacs, il y avait beaucoup plus d’armes que de feuilles de classeur ! Ils rentraient dans le collège, ça courrait, ça ressortait, ça se battait ! Le proviseur a pris des coups de battes ! On a tout vu, Chardo c’était contre la BAC, contre les Rosiers, contre Chantepie, contre C4. Au collège, j’allais en cours. Je n’étais pas le meilleur élève. Je n’étais pas non plus un fouteur de merde.

Quand on arrive, nous les petits, en sixième, on ne rentre pas là-dedans. Ce sont les quatrièmes et les troisièmes. Quand tu commences un peu à grandir, à avoir un gabarit, quand tu commences à t’habiller jeune, tu es mêlé ; tu habites aux Chardo, c’est parti ! A cette époque aux Chardo, il y avait le club de boxe, super coté ! Tout le monde boxait ! Tous les gens voulaient tester si la légende des Chardo était vraie ! Il y avait beaucoup de conflits à l’époque.

Image des Chardo d’une génération

A la gare de Sarcelles St Brice, des mecs nous couraient après. On avait treize, quatorze ans ; de treize à dix-huit ans, après je n’étais plus là. Les Chardo, c’est jeune, ça fait vingt ans que ça existe. Les grands, nos parents, ça n’a pas fait le même truc que nous. Nous, on a grandi ensemble. On a été ensemble de la maternelle au primaire, jusqu’au collège et ensuite au lycée. Ce ne sont pas les mêmes liens. La génération de nos aînés, les mecs de vingt-sept, vingt-huit ans aujourd’hui, c’était histoire sur histoire. Tous les dimanches, c’était la cavalerie aux Chardo ! A une époque, il ne fallait pas sortir le dimanche !

Soit on se mêle dedans, soit on reste à côté. Même si tu te mets à côté il faut être prêt à prendre des coups ! Ils ne vont pas te poser une question : « t’es des nôtres ? Tu n’es pas des nôtres ? ». Un jour alors qu’un mec était au téléphone, ils l’ont pris dans la cabine ! Ils l’ont séquestré dans un camion ! Ils l’ont massacré ! C’est des histoires de têtes. Des gens convoitent notre quartier. Ils essayent de tester.

Tester les Chardo

Nos parents n’étaient pas au courant. Quelquefois il y avait des descentes, ça courait, ça tirait au flingue, au fusil à pompe, à la grenaille ! Il n’y a qu’à passer voir à Franprix aux Chardo un samedi après-midi, les gens sont tous dans la même galère. C’est comparable aux autres. C’est encore pire vu que l’on connaît tout le monde. On ne peut pas se permettre de s’afficher, de brancher les gens à faire des trucs bizarres ou quoi. Il y a juste les tours qui montent ! Ça donne un aspect encore plus sombre. On vit la même vie que les autres, mais avec un peu plus d’espaces verts. Dès que vous habitez à Sarcelles, vous êtes obligés de vivre cette vie là. Les gens vont toujours vouloir vous tester. Sinon pourquoi croyez-vous qu’ils vont voler les vélos, les motos ? Ils savaient très bien qu’aux Chardo, ça allait partir en bagarre. C’est simple comme bonjour. Ça n’aurait pas été comme ça, aujourd’hui, ils viendraient aux Chardo prendre le vélo. Ce n’est pas possible… !

Le premier meurtre à Sarcelles s’est passé un 14 juillet. Le corps flottait dans le lac. Les gens font ça discrètement. C’était le quartier de François Pupponi. Il était en charge de ce quartier là avant qu’il ne soit maire ; donc, il ne fallait pas que l’on apprenne que ça avait dérapé ! Une fois dans le Parisien, il a dit qu’on avait dit des trucs monstrueux sur lui. On a rien dit sur lui ! Maintenant il vient faire un tour dès qu’il se passe quelque chose.

Ici aussi il y a des halls d’immeubles, il y a pire que ça ! Il y a un bac à sable, avant il y avait des bancs. Tous les soirs il y a cinquante personnes ! Ça chante ! Ça met de la musique, les scooters, les voitures ! Comme aux Sablons ! Là aussi les gens traînent dans les halls. Je ne vais pas vers Franprix. Je vais plus vers chez moi. Chacun va de son côté et chacun se réunit quand il y a une histoire. On tourne, on va voir les autres. Moi, je sors tranquille dans mon coin. Si on ne me cherche pas, je ne fais rien !

Foyer de la DASS

J’ai été placé en foyer à la DASS à Eragny, après à Magny en Vexin. Je ne suis pas resté longtemps. On fout la merde parce que l’on n’aime pas l’école. Nous, nous avions une histoire avec le commissariat et par rapport à ça, j’ai eu une éducatrice à treize ans. Après j’ai été directement placé en foyer. Je n’ai pu revoir ma famille qu’au bout de six mois.

Quand je suis arrivé au foyer, il y avait des mecs de partout. Un nouveau mec arrive, c’est comme « d’hab », on va essayer de tester. Un mec m’a demandé : « t’habites où ? - à Sarcelles ! ». C’était fini ! Je ne sais pas pourquoi : « Ah ! Je ne te crois pas Bah ! Bah ! ». Ils croient que c’est Los Angeles ! New-York ! Et juste pour ça, je ne me suis pas fait emmerder ! Maintenant ça se perd. Même dans le sud, les bourgeois : « ouaiche ! ouaiche ! », c’est stéréotypé, les mecs du 92, de Cergy et tout ! « T’habites où ? J’habite à Sarcelles ! ». Maintenant chaque cité essaye de faire plus. C’était en 1997, 98 ; en 1998, on était parti avec la mairie en voyage à New-York. Sarcelles ça faisait peur aux autres du foyer ! Sarcelles, c’est chaud !

Tête dure

A douze, treize ans on est peut-être influençable, et l’on peut reproduire ce que l’on voit. Ce que l’on voit, on le fait. On tombe dedans. Après, certains ont la tête dure. Ils ne comprennent pas. Ils continuent. On en connaît combien, ils sont en prison encore jeunes ! Ils sont là pour cinq ans, six ans. Ils vont ressortir, et vont recommencer. Moi quand je suis sorti du foyer, je me suis canalisé sur autre chose.

Le foyer, j’ai compris ça comme ça : « tu veux faire le grand, amuse toi ! ». Il n’y a pas de barrière. Si tu viens au foyer, tu te bats avec qui tu veux, tu te bats avec un éducateur, personne ne va t’arrêter ! Les éducateurs sont capables d’aller parier ! Je me rappelle, j’avais treize ans, ils vendaient des cigarettes un franc : « T’en veux ? ». On a plus porté plainte contre moi quand j’étais au foyer que toute ma vie dehors ! Au foyer, c’était le bordel pas possible ! Chaque fois que l’on risquait la prison, les éducateurs venaient et mettaient leur pression, et les affaires passaient comme du beurre. On a fait les quatre cents coups là-bas !

La campagne en famille d’accueil

Après ça me prenait la tête, parce que j’étais dans un foyer de travailleurs (Raymond Bédouet). Je suis retourné à l’école. Ils m’ont placé à Magnanville. Là, quand j’ai dit que j’habitais à Sarcelles !!! C’est une jolie ville Magnanville, mais quand tu as quinze ans, c’est nul ! J’habitais dans un patelin à quatre kilomètres. Il y avait un bus le matin, un bus le soir. J’étais dans une famille d’accueil. Il y avait des poulaillers et tout ! C’était, ou tu travailles ou tu vas à l’école ! « Je vais à l’école ! Je ne vais pas m’occuper des poules ! ». Tu parles ! Je ne suis pas allé là-bas pour ça !

Bagage

C’est le mental ! Le mental fait que des jeunes lâchent et d’autres continuent. Moi je n’aimais pas y aller, mais j’y allais. Travailler, il faut essayer d’avoir un minimum de diplômes quand même, même si je n’en ai pas beaucoup. C’était histoire d’avoir quelque chose, je n’ai eu que le BEP. Aujourd’hui, avec du recul si c’était à refaire, je serais à l’école en train de travailler. Vraiment avec tout ce que je sais aujourd’hui, je ne pourrais pas continuer comme avant !

Au foyer je gagnais dix francs par jour. A la fin de la semaine, ils me donnaient cent francs. C’était un vrai travail que l’on faisait ! Un travail de barjot ! De la mécanique, de la méga maçonnerie, de la menuiserie, des déménagements à la Défense, à treize ans ! Et à la fin de la semaine je gagnais cent francs ! Tu ne peux pas vivre avec cent francs ! A treize ans, je préfère dix mille fois aller à l’école, je ne me fais pas chier. Je rentre chez moi. Quand tu travailles tu n’as plus la force d’aller en vacances !

Les jeunes veulent arrêter de plus en plus tôt parce que la vie est de plus en plus chère. Dans la vie de tous les jours, il faut maintenant de l’argent pour être à l’aise. La vie est chère. Il y a une certaine image médiatique. Les jeunes ont tous besoin de portables de ci, de ça. Nous on n’avait pas ça. Aujourd’hui les jeunes veulent tous les trucs dernier cri, les chaussures, les T-shirts, les casquettes. On parle des portables, des ordinateurs et des webcams, MP3 ! A l’époque pour un walkman à cassettes extra plat, tu pouvais avoir de graves problèmes. Aujourd’hui, le petit va te le prendre et le jeter par la fenêtre, il va sortir le I-pod !

Le son (la musique)

On a commencé « le son » presque tous ensembles. A la pépinière, on était tous dans le délire. Moi j’étais en CM2, en 1993, j’écrivais déjà des trucs. C’a toujours été la musique. Aujourd’hui j’ai changé, je suis compositeur. Après on a fait un groupe avec Paco : The Mask. On avait enregistré dans la chambre de sa sœur. Je m’en rappelle comme si c’était hier. Des gens ont encore des cassettes de ça ! Mon père a grandi un peu comme nous. Il écoutait de tout. J’ai toujours senti quelque chose qui me faisait vibrer dans la musique. Je n’ai jamais senti cette relation ailleurs.

La musique de Sarcelles

C’est le King the heart. Moi j’ai été bercé par ministère A.M.E.R. Les cassettes étaient blanches ! Il avait le son jump ! jump ! J’ai commencé par écrire au début, je voulais mettre sur feuille tout ce que l’on ressentait à l’instant présent. J’écrivais tac, tac, tac. En même temps j’écoutais les rappeurs, les Ministère A.M.E.R.

Quand tu as seize, dix-sept ans, tu commences un peu à fréquenter les filles. Il faut que tu puisses payer ton cinéma, ton Mac Do, il y a une dépense. Tu ne vas pas demander à tes parents. Tu es grand, tu vis ta vie. Tu ne peux pas être dépendant de tes parents toute ta vie ! C’est une mauvaise habitude à prendre. Il faut te débrouiller tout seul. Il faut faire serré. Je vois des gens aujourd’hui par le biais d’internet, ils peuvent se faire des ronds sans arrêter l’école, grave ! Parce qu’ils sont intelligents, ils savent quoi faire, ils ont été bien informés. Des gens leur ont dit : « toi tu sais faire ça, tu pourras aller faire ci, ça ». Mais tout le monde n’a pas cette chance ! Nous, si on en est là, c’est grâce à nous et personne d’autre. Si j’avais écouté les gens, j’aurais abandonné la musique depuis des années ! Aujourd’hui tout le monde nous soutient, même la famille.

Le marché de Sarcelles

J’allais aider mon père, je traînais. C’était le dimanche, c’était spécial. Il y avait le bruit, les gens criaient, et moi je criais pareil. Le marché c’était marrant. Ce n’est plus la même chose. Ça ne ressemble plus au marché de Sarcelles d’il y a dix ans. Ce n’est plus pareil. C’est plus utilitaire. C’est deux, trois vêtements alors qu’avant, on vendait de tout. Mon père au début, vendait des casseroles, après des tissus.

Boulots…

A partir de seize, dix-sept ans, je travaillais à Villiers le Bel, dans les téléphones portables. Dès que je suis sorti du foyer, certains papiers n’ont pas été faits, et officiellement j’étais toujours déclaré comme étant là-bas. Quand j’allais dans les écoles pour m’inscrire, on me répondait « on ne peut pas vous prendre ». Après je me suis inscrit dans une école privée, je n’ai rien payé. Je n’ai ramené personne, je me suis inscrit à Paris vers le métro St Paul. Je suis resté un an dans l’école en alternance avec un magasin de téléphones à la gare de Villiers le Bel. J’ai fait un an sans l’école. Je n’ai pas eu de diplôme. Au bout de trois, quatre mois j’ai arrêté l’école. J’ai continué le travail, j’étais surexploité, mais ça forge. Je gagnais cinq cents francs par semaine. Après Villiers, je suis toujours resté dans les téléphones. Je suis parti à château d’eau à Paris. Je l’ai fait à Marx Dormoy. J’ai fait ça sept, huit ans. J’ai arrêté en 2004. Je travaillais dans des lieux différents mais j’habitais toujours à Sarcelles.

A château d’eau, les gars ne connaissent pas Sarcelles ! Les patrons, par contre ils voyaient Sarcelles, ça dépendait : « si c’est un con, c’est un con ». Les autres s’en foutent mais ce n’est pas la majorité. Habiter Sarcelles est un motif pour ne pas te prendre. On ne sait pas pourquoi, c’est une étiquette.

L’âme de Sarcelles

Il y a quelque chose de spécial dans cette ville. Il y a beaucoup d’artistes de Sarcelles. Nous dans le rap, il y a nous, connexion, cérumen ; Merouan du roi Soleil vient des Chardo ; les Yamakassi, les Chinois viennent des Chardo ; Dee Dee Bridgewater, et un saxo ; les chérubins. Il y en a pour tout le monde. Dans la connexion (notre groupe) certains sont dans le sport. Un des trois compositeurs aurait pu être footballeur. Il aurait pu être professionnel. Les footballeurs à Sarcelles se connaissent tous comme je connais tous les rappeurs. C’est no limit soldier !

Message à la Mairie

Bonjour vous pouvez nous aider SVP !

Notre message à la mairie, c’est de commencer un peu à prendre au sérieux les gens qui méritent d’être pris au sérieux. Ceux qui font avancer les choses, il faut les aider à avancer et arrêter un peu de faire des trucs par préférence et par sûreté. Ce qu’ils font, c’est par sûreté ! Ils vont t’aider parce qu’ils savent qu’avec toi ils auront la sécurité, et toi, ils vont te laisser galérer, parce qu’ils savent que tu ne vas pas leur faire de mal. Ce n’est pas un bon moyen d’avancer. Un mec qui montre qu’il a envie d’avancer, il faut le faire avancer. Quand il y en a douze, il faut les faire avancer. Nous, on fait nos affaires. On a monté notre projet. On est arrivé au bout. On a beaucoup de projets en cours, la semaine prochaine on doit bouger dans des radios. Ça bouge, on fait ça par nos propres moyens. On doit aller à Tours. Le billet c’est quarante neuf euros. Il faut les sortir ! Moi je ne travaille pas pour aller faire ça. Là je suis en mode promotion. Il faut que je promotionne mon produit et un coup de main, ça ne serait pas de refus !

Message pour les jeunes

Quand la connexion paraît impossible, il suffit d’une étincelle pour qu’elle le devienne. Il faut croire en soi. Même si les gens ne sont pas d’accord avec toi, si toi tu es persuadé, il faut le faire ! J’habite toujours aux Chardo, toujours chez mes parents.


Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

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