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Sarcelles : Raphael Gallego né en 1980

à mon adolescence où j’ai commencé à me dire : « je suis franco-espagnol d’origine

à Sarcelles on ne vit pas la même chose que ce l’on peut vivre en France en général.

lundi 5 juillet 2010, par Frederic Praud

Ce n’est pas le noir, le blanc, le jaune qui est montré du doigt, c’est le banlieusard. Le racisme, il est aussi noir, blanc de couleur, mais il est surtout banlieue, vestimentaire. J’ai exactement les mêmes problèmes que ceux avec qui je suis tous les jours. Quand je suis montré du doigt, c’est parce que je suis banlieusard. Je l’ai vécu individuellement, tout seul et en groupe

Raphaël GALLEGO

Je suis né en 1980 à Sarcelles. Ma mère est française, bretonne née à St Denis, et mon père né en 1958, à Rabbat au Maroc, est espagnol, de Grenade en Andalousie. Il est décédé à l’âge de vingt-neuf ans, j’avais six ans, donc je ne sais pas son histoire. Il est venu avec mon grand-père et ma grand-mère pour travailler. Ils ne sont pas venus pour des raisons politiques. Ils sont venus pour travailler, pour des raisons financières, pour gagner un peu plus d’argent ! Ma grand-mère paternelle est retournée en Espagne et les parents de ma mère sont venus en région parisienne au début de la construction des « grands ensembles ».

Des parents divorcés

Ma mère ne m’a pas raconté son parcours à Sarcelles. Mes parents étaient divorcés avant le décès de mon père et c’est un divorce qui ne s’est pas très bien passé. Cette discussion est encore lourde à porter même vingt ans après. Je n’ai pas d’informations sur leur rencontre. J’ai réussi à récupérer leurs photos de mariage, cachées au fond d’un tiroir, il y a deux ans. Mes grands-parents maternels et mon grand-père paternel sont décédés, et je vois ma grand-mère paternelle régulièrement. Au niveau familial, j’ai des informations mais au niveau de leur couple, non.

L’Espagne

Je vais tous les ans au village en Espagne. J’y suis allé pendant six mois. J’y retourne fréquemment. La première fois que j’y suis allé, j’avais douze ans. J’y allais en tant qu’explorateur. Ma grand-mère venait de prendre sa retraite et elle retournait dans son village natal. Mon grand-père paternel, je ne l’ai pas vraiment connu. Je l’ai vu une ou deux fois. Je ne connaissais l’Espagne qu’à travers les livres, sans plus. Les cousins proches ou éloignés je ne les connaissais pas. Moi, quand j’étais petit, j’étais espagnol, je n’étais pas français, jusqu’à mon adolescence où j’ai commencé à me dire : « je suis franco-espagnol d’origine ».

Un Franco-espagnol

Ici on m’a toujours appelé l’Espagnol, alors que ma mère est française et que j’ai toujours vécu avec ma mère. En même temps, dehors, mes copains, mes amis m’ont toujours appelé l’Espagnol à cause de mes origines. Ici n’importe quel métis de ma génération trois ans au-dessus, trois ans au-dessous, ceux avec qui j’ai pu passer du temps, à partir du moment où on est métissé français, on n’est pas français…. Le métis est quelqu’un né de deux parents d’origines différentes. Ça ne va pas plus loin.

Ma mère est française, mon père est espagnol, donc je me considère métis. Pour beaucoup de gens le métissage c’est noir/blanc, c’est la couleur. Je me considère comme un métis parce que je ne vois pas le métissage comme la couleur, c’est culturel. A partir du moment où j’ai commencé à me dire franco-espagnol, à partir du moment où j’ai commencé à grandir, je me suis rendu compte que je n’avais pas une éducation espagnole. J’ai une éducation française, même si certaines choses ont été ajoutées après, en allant en Espagne ; j’ai intégré une certaine culture et une certaine éducation de par ma grand-mère. J’ai eu une éducation française. Moi, je suis métis. C’est mon point de vue, ce n’est pas à cause de la rue. Personne ne m’a dit : « tu es métis ». Non, je le pense profondément.

Le cousin français

La première fois que je suis allé en Espagne à l’âge de douze ans, on m’a considéré comme de la famille. Je vais là-bas, je suis français. Je suis le petit français, mais c’est parce que je vis ici. Je suis le petit cousin français, je suis le filleul français, mais ce n’est pas un terme qui m’a été attribué parce que je suis l’étranger. Je vis là-bas donc je suis français. J’étais accueilli comme un ami que l’on n’a pas vu depuis longtemps, parce que j’y suis allé tout bébé et je ne m’en souviens pas. Mes grands-oncles, mes tantes me connaissaient déjà alors que moi, je ne les connaissais pas. Je n’avais plus de souvenirs d’eux. Pour les autres, j’étais le cousin français.

L’apport de la famille

J’ai cette famille là-bas et j’ai ma famille française ici à Sarcelles. Si je n’avais pas eu cette famille en Espagne, je n’en aurais pas eu besoin, mais du fait qu’ils soient là-bas, j’ai appris énormément de choses que je n’aurais pas apprises s’ils avaient été ici. Ici, ils n’auraient pas eu la même culture. Ils ne m’auraient pas apporté les mêmes choses. Les frères et sœurs de mon père ont vécu en France pendant longtemps comme mon père ; ils ne m’ont pas apporté les mêmes choses qu’ont pu m’apporter mes grands-tantes, mes grands-oncles, les cousins et les cousines de ma grand-mère.

L’autre partie de ma famille, je la connais, j’y suis, ils sont là ; une tante à Soisy, une autre dans les Yvelines. Je ne les vois plus suite au décès de ma grand-mère maternelle. Il y a eu un peu une cassure, mais je les ai vues toute mon enfance. J’étais gardé par certaines tantes, j’étais gardé par ma grand-mère. J’avais un contact, un grand contact.

Aujourd’hui il faut faire un choix dans tout ce que l’on fait ; on ne peut pas faire partie de deux choses en même temps. On m’appelait l’Espagnol. Cette notion de métis, je l’ai eu très tard. A partir du moment où j’ai commencé à aller en Espagne, j’ai commencé à voir les différences. Ce que j’ai pu apprendre dans ma jeunesse jusqu’à l’âge de treize, quatorze ans n’avait rien à voir avec la culture de là-bas. En plus, c’est un tout petit village de cinq cents habitants.

Des racines rurales

Je me suis trouvé des racines rurales, carrément ! J’ai eu grâce à ma famille ce que les maisons de quartier essayent de créer, chez les jeunes : connaître autre chose de totalement différent. Ce que j’ai pu apprendre à l’école m’a servi, en espagnol notamment ; parce que l’espagnol au départ, je l’ai appris à l’école, mais arrivé là-bas, j’avais de grosses lacunes alors que j’avais un bon niveau ici. En Andalousie juste en dessous de Grenade, ils ont une prononciation différente. L’espagnol que l’on apprend ici, c’est l’espagnol des grandes villes, le castillan, l’espagnol de Madrid.

Se construire

Plein de choses ont fait que je pensais avoir des acquis par rapport à mes origines ici ; mais quand j’ai commencé à aller là-bas, je me suis aperçu que ce n’était pas ça du tout. C’est positif. M’apercevoir que j’avais tort, c’était le grand bonheur ! Je me suis construit en allant voir ailleurs. Je suis plus sarcellois que français depuis toujours, pas parce que je n’aime pas la France, mais parce que c’est ce que je connais, ce que vis. J’estime qu’à Sarcelles on ne vit pas la même chose que ce l’on peut vivre en France en général.

Le banlieusard

Ce n’est pas le noir, le blanc, le jaune qui est montré du doigt, c’est le banlieusard. Le racisme, il est aussi noir, blanc de couleur, mais il est surtout banlieue, vestimentaire. J’ai exactement les mêmes problèmes que ceux avec qui je suis tous les jours. Quand je suis montré du doigt, c’est parce que je suis banlieusard. Je l’ai vécu individuellement, tout seul et en groupe. J’ai vu, j’ai entendu des choses par rapport à ça. Je me prends souvent la tête avec mes potes par rapport à ça parce que je ne suis pas d’accord.

J’ai quasiment eu autant de problèmes de racisme, que mes potes black. Il y a même certains potes black qui ont eu moins de problèmes de racisme que moi et pas du fait d’une couleur de peau. C’est dû simplement au fait que je vienne de Sarcelles, que j’ai une grande gueule et que je ne la fermerai pas ! Là ça ne passe pas ! Quand tu lis dans le Parisien qu’il y a eu des arrestations de dealer, je ne sais combien de personnes arrêtées, à côté de Sarcelles, c’est parce qu’ils ne veulent pas marquer que ça se passe à Stains ! C’est propre à Sarcelles, pas à la banlieue.

Message aux jeunes et aux anciens

Ne fais pas autres ce que tu ne veux pas que l’on te fasse. A partir de cette phrase là, cela permettrait de supprimer plein de choses sur les clichés, sur la violence.


Texte réalisé par Frederic Praud


Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

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