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Sylvie Grain, Service de Lecture du CDDP de l’Aube (Juin 2003)

La BD, grille de lecture pour les classes

vendredi 2 juillet 2010, par Frederic Praud

Sylvie Grain, Service de Lecture du CDDP de l’Aube (Juin 2003)

En matière de Bande Dessinée, il y a les amateurs passionnés. Et ceux qui les envient mais n’osent pas se lancer, faute de posséder les clés d’un genre qui leur semble bien à part. « Un genre encore bien nouveau où il y a prodigieusement à moissonner » disait l’écrivain, critique d’art et pédagogue, Rodolphe Töpffer, en 1846. Moyen d’expression créatif, Art ou Littérature ? Textes et images s’y entremêlent pour mieux nous raconter des histoires dont la richesse est égale à l’extrême variété des ingrédients qui entrent dans leur composition et avec lesquels les auteurs, dessinateurs ne cessent d’inventer.

1. BD Mode d’emploi, ou les ingrédients essentiels qui font prendre la sauce !

L’histoire
Au commencement était l’idée : un événement, un fait divers, une anecdote… qui sera mûri, réfléchi, réécrit, sous forme de synopsis : 15 lignes à 3 pages, où apparaissent clairement le début, le déroulement et la fin de l’histoire.

Le scénario est un outil plus détaillé (15 à 20 pages) où figurent les différentes péripéties de l’histoire, la description des personnages, les lieux, l’ambiance, l’émotion et même quelques éléments de dialogue. C’est la base du découpage de l’histoire en images.

Il faut qu’ensuite des images puissent naître de ces mots : Il s’agit donc avant tout de susciter le désir du dessinateur, qui usera alors de toutes les ficelles de son art pour écrire visuellement ce que disent ces mots-là.

Comment capter l’intérêt et l’attention du lecteur ?

La narration
la narration comique : « comment faire rire mon lecteur ? »
 Se baser sur les contrastes entre deux personnages : Laurel et Hardy, Tintin et Haddock, Astérix et Obélix…
 Placer le héros dans une situation difficile : « un éléphant dans un magasin de porcelaine »
 Créer une situation absurde, par accumulation, exagération, anachronisme
la narration réaliste : « comment émouvoir mon lecteur ? »
Dramatiser le récit : - par des rebondissements, des coups de théâtre inattendus, - par du suspense, un moment très intense, angoissant, - par une double narration : ce que vit le héros et ce que vit son ennemi

Les personnages
le héros miroir, auquel le lecteur s’identifie
les faire-valoir, sans lesquels les héros ne seraient rien (Obélix, le capitaine Haddock, Fantasio…)
le héros comique, dont on a juste accentué un petit défaut (maladroit, étourdi, gaffeur)
les héroïnes, elles ont du caractère et pas nécessairement des gros bras

La documentation

Elle permet de

Mieux dominer son sujet

Enrichir son scénario

Accroître ses chances d’être vraisemblable

Le découpage

Ecrit ou dessiné (story-board), il consiste à visualiser toutes les cases qui constitueront l’histoire
Très important, il permet de créer un rythme, de respecter le bon déroulement de chacune des péripéties

La construction graphique

La BD joue à la fois sur la page et sur les cases qui la composent, comme autant de morceaux de puzzle. Autant d’images en déséquilibre entre la précédente et la suivante, qui ensemble révèlent un récit

La première page : c’est une introduction, une rampe de lancement pour la narration. Elle met en place un climat…
Chaque page apporte ses éléments au récit. Entre chaque page se crée une pause, une respiration que le dessinateur peut utiliser pour créer un suspens, changer de temps, de lieu, de rythme.

Chaque case peut être traitée comme un tableau, une scène de théâtre,
un plan cinématographique :

Plan d’ensemble : sert à montrer tout un décor, permet une respiration dans le
récit
Plan moyen : isole un personnage, montré tout entier
Plan américain : se focalise sur l’action d’un personnage, montré à mi-cuisses
Plan rapproché : personnage coupé au buste ou aux épaules, le lecteur est dans
l’action
Gros plan : permet de jouer sur l’émotion du lecteur en accentuant un détail

Les angles de vue : ils servent, en contrôlant le
regard du lecteur, à créer un rythme et à faire
passer certaines sensations.

Plongée : l’œil regarde d’en haut, le personnage principal semble vulnérable, le lecteur est observateur
Contre-plongée : l’œil regarde du dessous, exprime la supériorité du personnage, le lecteur est impliqué dans l’action

Les cadres :
 Rectangulaire ou carré : forme la plus courante
 Vertical : pour les sujets verticaux ou pour donner une impression de chute, de confinement
 Horizontal ou panoramique : pour un paysage ou une vue d’ensemble
Le contour de la case peut également être utilisé comme un élément du langage de la BD (flash back, rêve, émotion, pensée…). L’absence de contour fait sens elle aussi.

Les codes idéographiques

Il s’agit d’inventer un langage, une grammaire qui permettront - D’exprimer le mouvement D’exprimer un son : Traduire un bruit, onomatopées - D’exprimer la psychologie, les sentiments du personnage : signes de COLERE !!!, de perplexité ???…

Le signe graphique, placé dans le contexte particulier d’une image, parle alors aussi bien, voire mieux qu’un mot.
Alors, le texte se fait mage.

Les codes expressifs du corps humain, interpréter

La BD utilise également toutes les nuances du langage du corps, de la gestuelle, pour « tracer une émotion sur le papier ». Le visage, « vitrine de l’âme », est particulièrement travaillé.

Il sera donc facile d’exploiter cette richesse avec les enfants en leur proposant d’imiter physiquement un personnage, de mimer une situation, une émotion, de jouer un mini-sketche ou même d’adapter en film ou en pièce de théâtre tout un album de BD : les décors, l’histoire, les personnages sont là, il n’y a plus qu’à les interpréter. On distribuera soigneusement les rôles (casting)… Tout un travail de mise en voix des dialogues peut se faire au préalable : trouver le ton et l’intonation justes.

Le travail du dessinateur

L’axe du graphisme en BD va du dessin donnant l’illusion du réel au dessin simplifié proche du pictogramme ou de l’idéogramme.

Préparatifs
Représenter des lieux : à partir de photos, de croquis pris sur place

Représenter des personnages : grands, petits, gros, maigres… Il faudra des pages et des pages de croquis avant de trouver les bons traits, que l’on pourra parfaitement reproduire d’une case à l’autre.

Ses outils, crayon, plume, feutre, pinceau, dépendent de sa personnalité, de son talent.
Choisir son papier, son format de page.

Du crayonné à l’encrage

D’abord dessiner la page au crayon, pour pouvoir avoir des remords, corriger.

Puis encrer pour donner de l’épaisseur au dessin.

Les bulles
Simple ruban sortant de la bouche de l’orateur, rondes, ovales ou rectangulaires, elles doivent servir la lisibilité du texte : pas trop petites, pas coincées dans un coin de la case, dans un ordre qui respecte le sens de la lecture, pas de typographie illisible. Par leur forme, leurs mots, leur taille, elles apportent le son dans l’image.

La mise en couleurs

La couleur change avec la lumière.
Nul besoin qu’elle soit forcément réaliste.
Voyez les grands peintres impressionnistes, néo-impressionnistes, expressionnistes, abstraits…

Encre, gouache, acrylique ou logiciel informatique : autant de moyens d’introduire les couleurs souhaitées sur des planches qui sont rarement les originaux (sinon en cas d’erreur il faudrait tout recommencer)

« Vous possédez désormais les variables du problème. Eh bien lisez maintenant ! »

2. Un doigt de pédagogie ou quelques pistes pour goûter la BD à l’école
…Apprentissage de la lecture
En CP, l’usage de planches de type Boule et Bill, Nathalie… permet d’émettre des hypothèses sur le sens du texte, de prendre individuellement des indices.
La lecture de BD facilite la lecture de récits en général car elle permet d’aborder concrètement les notions d’épisode, d’action, d’états d’âme des personnages, de récits-dialogues.
La notion de personnage est très facile à travailler à travers la BD : caractère, actions, relations avec les autres personnages…
Lire des images séquentielles : apprendre à lire les ellipses, trouver la logique d’enchaînement du récit (début, milieu, fin)
Remettre en ordre logique des images mélangées.
…Production d’écrit
Résumé : Ecrire le synopsis d’un album (début, milieu, fin)
Description : A partir d’une case, imaginer ce qu’a pu écrire le scénariste pour que le dessinateur crée ce dessin-là. (Inversement, on pourra aussi donner aux enfants une ou plusieurs descriptions de case (écrites par eux ou par d’autres enfants) et leur demander de les interpréter physiquement ou de les dessiner.)
Dessiner la (ou les) vignette(s) qui manque(nt), lorsqu’il y a ellipse
Pour les gags, inventer une autre chute.
Transposer une action dans un autre lieu, un autre temps, avec tous les changements que cet exercice entraîne : vocabulaire, architecture, costumes des personnages, objets, moyens de transport…
A partir de vignettes extraites de plusieurs albums de Tintin, lui inventer une nouvelle aventure, jamais écrite par Hergé.
Remplir les bulles évidées d’une planche de Gaston Lagaffe ou remplacer le vocabulaire Stroumpf par le mot juste (deux exercices qui impliquent une prise d’indices extrêmement fine)
…Art
Partir d’une reproduction d’œuvre d’art et en faire toute une histoire :
La Joconde : à quoi pense-t-elle ?
sonoriser Guernica de Picasso en ajoutant des bulles
La femme au miroir de Miro ne pourrait-elle être la base d’une adaptation BD de Blanche Neige ? « Miroir, joli miroir, dis-moi qui est la plus belle ? »…
Transformer un décor réel en décor de BD (étude architecturale et patrimoniale), essayer différentes techniques, différents supports
Inventer des personnages, décoder des expressions
Inventer des pictogrammes (arts graphiques)
…Interdisciplinarité
La lecture d’une BD en classe peut très bien s’ouvrir sur une étude géographique (le lieu de l’action), une étude historique (l’époque de l’action, les costumes des personnages, l’architecture des décors).
La BD peut se prêter facilement à la mise en scène, la mise en voix. Il suffit de reprendre les décors dessinés (ou certains éléments), de travailler les expressions des personnages, pour monter une pièce ou une série de sketches.
On peut aussi à travers la BD aborder les notions de métier, la chaîne du livre (de l’auteur au libraire).

3. Bibliographie

BD mode d’emploi, Jean-Benoît Durand, Castor doc poche Flammarion
Toutes les étapes de la création d’une BD (Bibliothèque de La Chapelle St Luc, section jeunesse)

La Bande Dessinée Art séquentiel, Will Eisner, Vertige Graphic
Où l’auteur, à travers une série d’exemples tirée de son œuvre, démonte les mécanismes de cet Art.(Médiathèque du CDDP)

Case planche récit Lire une bande dessinée, Benoît Peeters, Casterman
Lire la bande dessinée, de toutes les manières, dans tous les sens possibles. (Médiathèque du CDDP)

Collection L’atelier de la bande dessinée, avec Hergé, Editions Moulinsart
(j’apprends à dessiner les personnages, j’apprends à raconter une histoire, j’apprends à mettre en couleur)
(Médiathèque du CDDP)

En guise de conclusion
La BD, c’est une histoire qui se raconte en images, une lecture où les éléments qui font sens sont à la fois dans les mots, dans le graphisme, dans la gestuelle des personnages, dans la forme des cases, dans les couleurs, dans les blancs… Et il faut goûter à tout cela pour en apprécier la pleine saveur.
J’espère que les quelques éléments rassemblés dans ce document vous aideront à entrer dans cet art avec un nouveau regard, et mieux voir celui que portent sur notre monde ces artistes, qui ont choisi comme langage la Bande Dessinée.


Voir en ligne : La Bande Dessinée : Les Migrants

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